Technologies clés
Le séquençage de l'ADN consiste à lire l'ordre dans lequel se succèdent les quatre paires de base adénine (A), cytosine (C), guanine (G) et thymine (T), qui composent l'ADN, dans le but d'identifier les positions et les fonctions des gènes.
La molécule d'ADN est trop grande pour être séquencée en une seule étape. A l'aide d'ultrasons ou par d'autres procédés mécaniques, on la découpe donc de façon aléatoire en parties plus petites, donc plus faciles à lire. Comme au départ on dispose de plusieurs molécules d'ADN, on obtient une multitude de fragments de taille variable, certains ayant des séquences communes. Quand chaque fragment a été lu, les informations sont introduites dans un ordinateur et des puissants algorithmes reconstituent la séquence complète de l'ADN.
Cette technologie est également utilisée pour vérifier qu'une molécule d'ADN réalisée par synthèse a été fabriquée correctement.
La synthèse de l'ADN permet de fabriquer "sur mesure" des molécules d'ADN quelque soit l'ordre des paires de base, qu'elles correspondent à des organismes vivants ou que les séquences n'aient pas d'équivalent dans la nature. La difficulté de cette synthèse augmente avec la taille de l'ADN.
Première étape : on synthétise, par des techniques de chimie organique, des séquences courtes d'une centaine ou d'un millier de paires de base. Ensuite on les assemble, via des enzymes spécifiques, pour former des séquences plus grandes, de taille d'une dizaine de milliers de paires de base. Enfin, l'assemblage final de l'ADN synthétique est réalisé par des techniques de biologie moléculaire impliquant des bactéries. La vitesse de synthèse de l'ADN est limitée par cette dernière étape et d'importants efforts de recherche sont déployés pour l'automatiser.
En 2016, des fonderies à gènes livrent en deux jours à deux mois des fragments d'ADN pour 0,08 à 1,00 euros par nucléotide. Plus le fragment est long, plus son coût est élevé en temps et argent.
La microfluidique un outil privilégié de la biologie de synthèse, pour produire rapidement et à un coût raisonnable de grandes quantités de fragments d'ADN, réaliser et manipuler des proto-cellules, accélérer l'évolution d'enzymes. À l'échelle du micron, les liquides comme l'eau ont un comportement très différent de l'échelle macroscopique qui représente notre expérience quotidienne : comme leur inertie est faible, on peut contrôler avec précision leur mélange et leur circulation pour traiter des séquences d'ADN ou les proto-cellules. De plus, en travaillant avec de faibles quantités de liquide, on limite la consommation des réactifs, ce qui rend les manipulations moins chères.
Particulièrement utile est le laboratoire sur puce, une plaque de verre ou matière plastique avec des microcanaux dans lesquels circulent les liquides et qui réalisent plusieurs opérations complexes (transport, mélange, chauffage, lecture des résultats). En d'autres termes, c'est un dispositif qui "rétrécit" le laboratoire à une puce de quelques cm2, permettant ainsi d'intégrer plusieurs opérations du processus de synthèse de l'ADN ou de la proto-cellule.
Une fois synthétisé, l'ADN doit être "inséré" dans un châssis biologique pour trouver un environnement favorable à son fonctionnement et traduire les gènes en protéines. Si on fait un parallèle avec l'informatique, l'ADN synthétique joue le rôle de logiciel, et le châssis celui du matériel.
Aujourd'hui, on utilise plusieurs châssis naturels : la bactérie Escherichia coli, hôte ordinaire de nos intestins ; la levure Saccharomyces cerevisiae, responsable de la fabrication de la bière et du pain ; ou le bacille inoffensif Bacillus subtilis, qui se trouve en abondance dans le sol.
Pour faire de ces organismes vivants des "usines" efficaces, on cherche à utiliser des systèmes artificiels appelés cellules minimales, qui ne disposent que d'un minimum de composants chimiques leur permettant de fonctionner comme un système biologique. Elles sont plus faciles à contrôler, mais les construire pose de grands défis scientifiques.
Les modèles mathématiques et les outils informatique sont nécessaires non seulement pour traiter le grand volume d'informations engendré par les opérations de séquençage (le génome humain compte 3 milliards de paires de base) mais aussi modéliser et simuler les interactions complexes entre les composants des organismes vivants, et concevoir et prédire le comportement des systèmes biologiques avant de les réaliser.
La normalisation, ou standardisation, est une spécificité de la biologie de synthèse. En électronique, pour fabriquer une radio, on assemble différents blocs fonctionnels (circuit d'accord, amplificateurs, oscillateurs, modulateurs) ayant des spécifications bien définies, puis chacun d'entre eux est construit à partir de composants standardisés comme transistors, résistance et condensateurs. La standardisation permet à des constructeurs différents de produire des composants compatibles. En outre, un module fonctionnel testé et validé devient à son tour un composant standardisé et peut être utilisé par la suite. De la même façon, on peut concevoir en biologie de synthèse des dispositifs et systèmes biologiques standardisés et modulables. Les séquences d'ADN constituent les composants de base, une chaîne de production de protéines est un bloc fonctionnel et ainsi de suite.
Pour éviter la contamination des organismes naturels avec le matériel génétique des organismes issus de la biologie de synthèse, on isole physiquement ces derniers dans des structures de confinement. Il existe néanmoins deux autres méthodes, les confinements trophique et sémantique, qui font actuellement l'objet de beaucoup de recherches. Le confinement sémantique vise à réaliser des organismes synthétiques dont le codage génétique ou le support de l'information génétique sont différents de ceux des organismes naturels, ce qui empêche ainsi toute interférence, en raison d'une incompatibilité chimique. Le confinement trophique consiste à réaliser des organismes synthétiques qui dépendent d'un nutriment que seul le laboratoire peut lui fournir. Autrement dit, si l'organisme échappe malencontreusement au laboratoire ou à son conteneur industriel, il meurt par défaut d'alimentation.
Une autre ligne de recherche prometteuse est celle qui vise à introduire dans un organisme un mécanisme actif de suicide qui s'active automatiquement dès qu'une substance cesse d'être fournie par le laboratoire. Il s'active par défaut, ce qui implique qu'en cas de dysfonctionnement pour une cause quelconque, la cellule est tuée. Alors que le confinement trophique entraîne la mort passive et non immédiate, il s'agit ici d'une mort active et immédiate.
Dotée de ces puissants outils, la biologie de synthèse ouvre et ouvrira la voie à de nombreuses applications médicales et industrielles, tout comme les nanotechnologies ont conduit à de nombreuses applications dans les domaines de l'électronique ou des matériaux.