Applications de demain
Production de médicaments
Plusieurs médicaments utilisés actuellement sont extraits de plantes ou agissent suivant des principes
thérapeutiques spécifiques à certaines plantes médicinales. On pourrait les fabriquer par synthèse ou
les améliorer afin de réduire les effets secondaires. Cela peut impliquer une modification du génome
de la plante afin de renforcer ses propriétés thérapeutiques et de l'incorporer dans un processus
chimique de synthèse. Il peut être plus intéressant de transplanter la voie métabolique produisant
le médicament, depuis la plante vers un microorganisme inoffensif comme la levure : un exemple de
ce type de démarche a été décrit auparavant, dans la mise au point de l'anti-malaria "artémisinine".
Thérapies personnalisées
La biologie de synthèse permettrait également de mettre au point des thérapies personnalisées : les
médicaments pourraient être réalisés sur mesure, en fonction du génome de chaque patient, ou pourraient
être adaptés à son organisme.
Déséquilibres métaboliques
Certaines maladies sont causées par un déséquilibre métabolique, par exemple la goutte, maladie
douloureuse provoquée par un excès d'urate qui circule dans le sang et qui se dépose et cristallise
dans les articulations. Pour cette catégorie de maladie, il est envisageable d'installer chez le
patient un circuit biochimique qui convertit le composé chimique toxique en un produit inoffensif.
Un tel procédé à été testé avec succès chez la souris, permettant de convertir l'excès d'urate en
allantoïne inoffensive.
Optogénétique
Certains de ces dispositifs ou circuits biochimiques peuvent d'ores et déjà être contrôlés ou ajustés
de l'extérieur par l'usage d'une lumière de couleur bleue. Initialement développée pour les tissus
neuronaux, notamment le cerveau, l'optogénétique a trouvé des nouvelles applications, dont certaines
ont déjà été testées chez l'animal, en particulier concernant la fonction cardiaque ou, chez le mâle,
la fonction érectile.
Maladies infectieuses
On traite mieux une infection si on la détecte rapidement, à un stade précoce, avant que les symptômes
pathologiques n'apparaissent. On pourrait réaliser par biologie de synthèse des détecteurs précoces
d'infections : si la bactérie pathogène pénétrait dans l'organisme, elle déclencherait une chaîne de
réactions biochimiques produisant une protéine fluorescente, visible en éclairage ultraviolet.
Cancérologie
De même, la biologie de synthèse permet d'envisager des capteurs en mesure de détecter de manière
sélective et dans un stade précoce divers cancers.
Médecine régénérative
L'ingénierie tissulaire permet de réparer les tissus abîmés. Les grands brûlés reçoivent des transplants
de peau fabriquée par des techniques de croissance artificielle. Des fractures délicates sont réparées
en insérant des matériaux qui servent d'échafaudage à la reconstruction de l'os : les cellules osseuses
adhèrent à l'échafaudage, s'y fixent, se développent et le remplacent progressivement. Des cartilages
peuvent également être reconstitués par ces méthodes. Mais les techniques actuelles ne permettent pas
de bien contrôler la forme exacte de la croissance. Grâce à la biologie de synthèse, on pourrait fabriquer
des échafaudages "intelligents", capables de mieux guider la croissance du tissu, et même étendre ces
techniques d'ingénierie tissulaire à la reconstruction d'organes.
Éthanol
Le bioéthanol est utilisé comme carburant pour les véhicules ou comme additif à l'essence pour réduire
les émissions nocives. C'est un alcool issu de la fermentation des sucres contenus dans la matière
végétale. Ce processus a lieu grâce à certaines bactéries naturelles, mais son rendement reste
relativement modeste. La biologie de synthèse permettra d'améliorer la fermentation et d'utiliser
comme matière première des plantes modifiées génétiquement, qui produiront tout au long de l'année.
Butanol
Une autre voie consiste à développer des bactéries ou des champignons pouvant synthétiser des alcools
plus lourds, donc plus énergétiques, comme le butanol. Ces nouveaux microorganismes, réalisés par
biologie de synthèse, pourraient survivre dans le butanol, ce qui n'est pas le cas des bactéries
naturelles comme Escherichia coli ou des champignons comme la levure. Enfin, les mêmes techniques
seront appliquées afin de produire à partir d'huiles végétales du biodiesel, carburant moins polluant
que le diesel classique.
Hydrogène
En même temps, on continuera à améliorer les microorganismes capables de synthétiser directement
l'hydrogène par photosynthèse, ce qui éviterait d'utiliser les sucres ou la cellulose comme matières
premières, donc de préserver les cultures agricoles alimentaires.
Soie
On peut synthétiser déjà de la soie d'araignée, matériau très léger et très résistant. Par des
techniques de biotechnologie classique, le gène de l'araignée produisant la soie a été isolé, puis
introduit dans le génome d'une chèvre. Les cellules sécrétant du lait produisent aussi de la soie,
il suffit alors de le récolter et d'en extraire ce matériau. Un procédé encore plus performant a
été plus récemment mis au point chez un microorganisme, par des techniques de biologie de synthèse.
Composites
La coquille des mollusques est un matériau composite par excellence : de petites plaques de substances
minérales comme le calcaire sont emprisonnées dans une maille élastique de protéines, ce qui donne à
la coquille des propriétés de dureté et de résistance exceptionnelles. On espère alors synthétiser
les gènes responsables de ces structures pour pouvoir produire ces matériaux à des dimensions plus
grandes et à plus grande échelle.
Plastiques
Les polymères et les matières plastiques sont des matériaux très utilisés aujourd'hui. Ils sont
produits à partir du pétrole et, en général, ne sont pas biodégradables. Les techniques de biologie
de synthèse permettront de fabriquer de nouvelles matières plastiques à partir des végétaux, qui
pourraient en outre être biodégradables. Un premier succès a été obtenu avec l'isobutène, comme
décrit auparavant.
Détection et dégradation de composés toxiques
Sur le modèle du biocapteur qui détecte l'arsenic dans l'eau potable, on développera d'autres
dispositifs capables de détecter des substances toxiques (dioxine, dérivés chlorés), des métaux
lourds (cadmium, mercure) ou d'explosifs (TNT) dans l'environnement. Ultérieurement, on couplera
le biodétecteur avec des bactéries génétiquement modifiées capables d'assimiler ou de dégrader ces
produits toxiques, pour dépolluer les sols.
Gaz à effet de serre
Les émissions de dioxyde de carbone sont les principaux responsables du réchauffement climatique.
La biologie de synthèse pourrait développer des systèmes de photosynthèse artificielle, capable
d'assimiler avec un très bon rendement le dioxyde de carbone et de le convertir en matière végétale.
Cultures efficaces
Le développement de nouvelles technologies géniques en agriculture est étroitement lié au
développement de nouvelles sources écologiques d'énergie. La biologie de synthèse permettra de
réaliser de nouvelles plantes, qui serviront de matière première dans la production de
biocarburants. Celles-ci auront un rendement de culture bien plus important et pourront être
transformées plus efficacement en carburant.
Adaptation au changement climatique
La culture de ces plantes pourrait être optimisée pour s'adapter aux conditions difficiles et
complexes de l'environnement, dans la perspective d'un changement climatique, notamment dans les
pays les plus peuplés en voie de développement.
Traitements phytosanitaires
Enfin, les pesticides traditionnels chimiques pourront être remplacés par d'autres substances
biologiques, dont l'action sera bien plus spécifique et qui, après avoir rempli leur fonction,
se dégraderont dans le sol.
Comme toute nouvelle technologie, la biologie de synthèse soulève optimisme et enthousiasme, mais aussi inquiétude et méfiance.