Innovation responsable
Un des objectifs de la biologie de synthèse est la création de formes de vie nouvelles, ce qui soulève naturellement des questions éthiques sur la responsabilité de l'homme à fabriquer la vie artificiellement. La possibilité de l'homme d'agir sur sa propre espèce, de modifier l'évolution naturelle du monde du vivant ne font qu'augmenter cette responsabilité.
Des organismes de synthèse, comme des virus ou d'autres agents pathogènes, pourraient être fabriqués à des fins malveillantes, ce qui pose de nouveaux défis en matière de biosécurité. Cette situation est d'autant plus sérieuse que les technologies de biologie moléculaire sont à la portée d'un nombre croissant de personnes : on trouve sur Internet des informations concernant les techniques de biologie moléculaire et la structure des virus, il existe des entreprises qui proposent de synthétiser des séquences d'ADN sur commande à des prix de plus en plus accessibles, il est apparu des groupes d'amateurs de biologie de synthèse opérant dans des environnements non-académiques, appelés "biohackers".
Au-delà de la dissémination volontaire d'organismes de synthèse dans l'environnement, il y a un risque de rejet accidentel, qui pourrait avoir des effets négatifs sur l'environnement et sur la santé. En raison de la versatilité des techniques de biologie de synthèse, il se peut que les organismes de synthèse soient radicalement différents des organismes naturels et donc aient des comportements inhabituels et imprévisibles. Cependant, les techniques de biologie de synthèse permettent de concevoir, modéliser et caractériser un organisme de synthèse avant de l'avoir réalisé. Cette connaissance préalable, même si elle n'est pas parfaite, permet d'anticiper un éventuel comportement non souhaité.
Par sa nature multidisciplinaire (biotechnologie, électronique, logiciel), la biologie de synthèse pose des questions difficiles concernant la protection de la propriété intellectuelle, en particulier la brevetabilité des gènes ou du logiciel. En outre, protéger par brevet des bio-composants standardisés pourrait freiner les travaux de recherche ultérieurs dans le domaine.
Enfin, autre sujet sensible, qui n'est d'ailleurs pas spécifique à la biologie de synthèse : le contrôle de cette technologie par un petit nombre de grands groupes industriels qui, invoquant le droit de la propriété intellectuelle, pourraient passer outre les réglementations.
Ces perspectives suscitent de vives inquiétudes et il appartient à la société de peser les bénéfices et les risques pour décider de la voie à suivre pour développer le domaine de la biologie de synthèse. En attendant, plusieurs actions sont envisageables : mettre au point des contrôles concernant les séquences d'ADN sensibles, des systèmes de protection pour les personnes travaillant en laboratoire, des règlements de traçabilité des produits, des moyens pour que le grand public soit informé en toute transparence, des comités d'éthique pour s'interroger sur l'opportunité de développer ce domaine scientifique et technologique.
Ces problèmes, qui relèvent plus de décisions politiques et de société que de choix scientifiques et techniques, ne sont d'ailleurs pas spécifiques à la biologie de synthèse. Pour assumer ses décisions et juger les choix technologiques, le citoyen doit avoir une culture scientifique. En conséquence, il est important qu'il puisse accéder aux moyens d'information, disposer d'une formation appropriée et participer à des débats publics sur le sujet.