Biologie de Synthèse

Biologie de synthèse

Les méthodes spécifiques aux biotechnologies "classiques" sont artisanales : on extrait un gène spécifique du patrimoine génétique d'un organisme naturel et on le transfère dans un autre organisme, qui peut produire la protéine associée à ce gène avec une vitesse et un rendement supérieur.

C'est en combinant les concepts de la biologie des systèmes, dont le but est de comprendre les systèmes biologiques complexes dans leur globalité, avec les biotechnologies, qui ont des objectifs technologiques, que la biologie de synthèse a vu le jour. Cette dernière vise non seulement la synthèse directe d'un gène par des techniques chimiques, de génie génétique ou spécifiques aux nanotechnologies, mais aussi l'utilisation des méthodes issues des sciences d'ingénieur comme l'informatique ou l'automatique pour concevoir de façon rationnelle de nouveaux systèmes biologiques.

Plusieurs stratégies existent :

Top-down L'approche dite "top-down" consiste à modifier un système biologique naturel pour obtenir un système plus simple, plus facile à comprendre et à manipuler. On peut par exemple prendre une bactérie, lui retirer une bonne partie de ses gènes, en ne gardant que le minimum nécessaire à sa survie en conditions de laboratoire, comme c'est le cas du projet "Mycoplasma laboratorium" de l'Institut J. Craig Venter. Un autre exemple est le projet "Synthia", porté par le même laboratoire, où l'ADN naturel de la bactérie a été entièrement remplacé par un ADN synthétique.

Bottom-up La démarche opposée, dite "bottom-up", consiste à définir des briques élémentaires ayant des fonctions bien définies puis à les assembler pour fabriquer des systèmes biologiques sur mesure, comme dans un jeu de lego. Cette stratégie est adoptée dans le cadre du concours de biologie de synthèse iGEM, hébergé par le MIT, auquel participent chaque année un millier d'étudiants.

Proto-cellule On peut aller encore plus loin et réaliser des "proto-cellules", vésicules dotées d'une paroi semblable aux membranes des cellules vivantes, qui peuvent absorber sélectivement de petites molécules et les transformer à l'intérieur, grâce à une machinerie cellulaire simple. Les proto-cellules peuvent réaliser diverses fonctions, par exemple détecter et signaler une anomalie de santé, avant l'apparition des symptômes. En particulier, des proto-cellules lancées dans le système digestif et éliminées naturellement peuvent être utilisées comme méthode non-invasive de diagnostic.

Ces démarches sont complémentaires et ont pour but de faire progresser la connaissance du monde du vivant et de l'évolution de la vie, mais ont aussi de nombreuses applications industrielles. La situation actuelle de la biologie de synthèse est semblable à celle de la chimie de synthèse au XIXe siècle. Cette dernière a permis la synthèse de la quinine, de l'aspirine ou des peintures et, au XXe siècle, de nombreux médicaments, fibres synthétiques et matières plastiques. La biologie de synthèse cherche à exploiter la diversité naturelle et les systèmes biologiques pour produire les médicaments, les biocarburants et les matériaux de demain.


Comment cela marche ?

Un projet type de biologie de synthèse débute par la définition d'un "cahier des charges" spécifiant un but précis. Prenons comme exemple la fabrication d'une pompe à insuline biocompatible, destinée aux patients atteints de diabète. Chaque heure, ce dispositif doit mesurer la concentration de glucose dans le sang et décider de la dose d'insuline à apporter. Une des composantes essentielles du dispositif est l'horloge biomoléculaire, dont la période est d'une heure et qui, pour des raisons de biocompatibilité, sera implémentée par un circuit biochimique comprenant quelques protéines en interaction. L'analogue électronique de cette horloge est un circuit oscillant avec une période d'une heure, à base de transistors.

Ensuite, ce projet se développe généralement en quatre phases successives :

spirale améliorative
La spirale "améliorative" en biologie de synthèse répète le cycle des quatre phases jusqu'à satisfaction du cahier des charges initial.

Si les propriétés de l'objet construit ne donnent pas entière satisfaction, il est nécessaire de revenir en phase 1 pour réenclencher un nouveau cycle. Ce retour peut être considéré comme une phase d'apprentissage. L'objectif serait de parvenir au résultat souhaité en un seul cycle, sans phase d'apprentissage. Cet objectif sera atteint de plus en plus fréquemment puisque les modèles s'affineront en accumulant de l'expérience. Cependant, aujourd'hui, le cas le plus fréquent est celui où un petit nombre de cycles doivent être enchaînés en une spirale de progression pour aboutir à un résultat respectant le cahier des charges initial.


Un domaine transdisciplinaire

La complexité des objets que construit la biologie de synthèse requiert un outillage spécifique. L'outil incontournable est la modélisation mathématique des interactions et leur simulation numérique par voie informatique (phases 1-2 ci-dessus, dites de conception). Puisque les phases 3-4 de fabrication et de caractérisation font appel à des méthodes biomoléculaires, la pratique de la biologie de synthèse est par nécessité transdisciplinaire.

Bien entendu, il a été possible dans le passé de construire des circuits biochimiques de taille importante sans s'appuyer fortement sur des méthodes mathématiques et informatiques, comme par exemple le propane-1,3-diol de Genencor, précurseur de fibres pour textiles et moquettes. Néanmoins la mise au point de la souche bactérienne produisant ce précurseur a coûté 40 M€ et 200 homme.années, illustrant ainsi la lourdeur d'une approche par essai et erreur. Au plan appliqué, c'est précisément le but de la biologie de synthèse : de réduire significativement l'effort nécessaire à un projet de taille moyenne ou grande, par la normalisation et le découplage entre conception et fabrication.


Quoi de neuf ?

Par rapport à la biotechnologie "classique", la biologie de synthèse se caractérise par la réduction de la durée totale du projet, l'usage de méthodes computationnelles, la complexité de l'objet conçu, et la créativité. Une dernière différence tient au fait que la biologie de synthèse recherche des réponses génériques aux problèmes biotechnologiques. Elle bâtit un socle de concepts et de méthodes d'ingénierie qui peuvent être réutilisés. C'est pourquoi elle apporte des solutions dans tous les domaines applicatifs des biotechnologies

Socle des concepts
Le socle de concepts et méthodes de la biologie de synthèse est alimenté par des recherches orientées vers les mots-clés indiqués (en haut), et exploité pour les applications industrielles dans tous les secteurs biotechnologiques (en bas).


D'ores et déjà, plusieurs applications ont vu le jour :

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